Titres de noblesse

Orgue

Je me souviens qu’au baccalauréat, j’avais vu un livre dans les rayons de la bibliothèque: Il meurt à la fin. C’était le titre du livre. J’avais ri. Évidemment, à l’époque, faire des lectures de loisir – en plus de celles obligatoires – relevait du fantasme. Et puis, j’avais quatre colocs formidables, et ce n’était jamais bien compliqué de les réunir autour de notre table de baby-foot. Je n’ai donc jamais lu Il meurt à la fin. Reste que plus de dix ans plus tard, je me souviens encore de ce livre. Si ça se trouve, j’en ai parlé plus souvent que bien des livres que j’ai pourtant adorés. Il suffit d’un bon titre, parfois, et le tour est joué.

Au Québec, le grand champion titreur est probablement Dany Laferrière. Vous ne l’avez peut-être jamais lu, mais vous connaissez néanmoins plusieurs de ses titres : Cette grenade dans la main du jeune Nègre est-elle une arme ou un fruit?, Comment faire l’amour avec un Nègre sans se fatiguer et L’art presque perdu de ne rien faire. Avouez que ça en jette. Il a lui-même confessé que sa carrière était redevable de la qualité de son premier titre : « J’ai connu le succès à cause du titre de mon premier roman. Des gens qui n’ont jamais lu le livre, et surtout qui n’ont aucune intention de le lire, connaissent pourtant son titre. Trouver ce titre m’a coûté cinq minutes de ma vie. J’ai pris trois ans pour écrire le livre. Si j’avais su…[1] » Que l’œuvre soit bonne ou non, sa clé de transmission, ce qui sera le plus souvent évoqué, c’est encore et toujours le titre. Avec un peu de chance, celui-ci sera si bon qu’à sa seule évocation, un monde apparaîtra. Plus besoin du nom de l’auteur, de l’histoire, des thèmes, de sa biographie. Le titre seul suffit.

Si vous êtes amoureux de ceux-ci, que vous aimiez lire ou non, je vous recommande la lecture de Comment parler des livres que l’on n’a pas lus (Éd. de Minuit, 2007). Je ne l’ai pas lu, bien sûr, mais Pierre Bayard y fait une habile démonstration que, « contrairement aux idées reçues, il est tout à fait possible d’avoir un échange passionnant à propos d’un livre que l’on n’a pas lu, y compris, et peut-être surtout, avec quelqu’un qui ne l’a pas lu non plus. » J’ai d’ailleurs plusieurs professeurs qui n’avaient lu ni James Joyce ni Marcel Proust, mais qui pouvaient nous en parler pendant des heures. Il y avait cependant une chose que nous avions tous lu : le titre.

Et voilà pourquoi je vous écris aujourd’hui. J’en suis à mes derniers élans de réécriture de mon recueil de poésie, et avant de l’envoyer aux éditeurs, je voudrais être bien sûr de ne pas me tromper. Je veux donc un bon titre. Et pour cela, je veux votre aide. J’aimerais savoir ce que vous pensez des quelques idées qui mijotent dans ma caboche. Vous pouvez vous creuser la tête et me répondre, ou simplement me balancer les premières impressions qui vous viennent en tête. Vous pouvez aussi passer votre chemin et ne jamais me répondre. Si vous avez lu jusqu’ici, je vous en suis déjà reconnaissant. Alors, ça va comme suit :

  1. No/us
  2. L’horizon des phares
  3. La marelle oubliée
  4. Rien de tout ça, continue à travailler Yannick

Je reçois vos commentaires comme une aumône bénie. Merci!

Bien à vous,

Yannick Marcoux

[1] LAFERRIÈRE, Dany, Cette grenade dans la main du jeune Nègre est-elle une arme ou un fruit , 2002, VLB Éditeur, p.21

5 réflexions sur “Titres de noblesse

  1. No/us:
    Légère impression de froideur robotique, comme si la barre oblique intégrait une rupture dans les émotions. Sans la barre, juste un espace et le «nous» deviens un «non-nous», j’imagine bien que c’est l’idée et j’aime beaucoup. Cette barre est un symbole mathématique ou informatique qui dénie toute émotivité. Est-ce le but? Ou seulement de séparer le nous et le non-nous? No.us? No-us? No us? No_us?
    J’aime beaucoup la dualité, la transformation du nous jusqu’à disparition. Chargé, complexe et pourtant si simple.
    Je n’aime pas la barre, mais peut-être que la froideur mathématique convient au contenu.

    L’horizon des phares:
    L’endroit ou la lumière se confond avec les ténèbres. Loin et inatteignable parce qu’inexistant: la lumière repousse toujours la noirceur. Ce titre me donne une impression de solitude terrible et d’espoirs déçus. Nostalgique et monotone, bien qu’on y parle de lumière et de grandeur.

    La marelle oubliée:
    Nostalgique d’une légèreté passée. Romantique de l’enfant ou de l’enfance. À mon avis un peu cliché, mais une fois de plus, ça dépend du contenu.

    Le jour où je serai prof de littérature, -ce qui n’arrivera jamais, heureusement pour l’éducation- j’aurai bien plus de facilité à parler d’un livre dont le titre est No/us ou une variation que d’un livre portant un des deux autres titres.
    Bonne chance!

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  2. Je préfère le premier, surtout la proposition du « non-nous », c’est moins résolu, intriguant, comme si la parole souhaite dire quelque chose, mais l’impact l’envahit.

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  3. Une pièce intitulée No/Us a été joué par une troupe de la relève l’année dernière. Comme quoi c’est dans  »l’air du temps ».

    J’aime bien le 4. Il a le mérite d’être clair et on se sent interpellé, concerné par ton doute/démarche/problématique.

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