
Carcasses de vélo trouvées à moins de 25m de chez moi.
Les vélos de la honte
Le 25 mars dernier, le gouvernement Legault, selon ses propres mots, a mis « le Québec sur pause », ordonnant la fermeture des commerces dits non-essentiels. Entre autres commerces essentiels figuraient les garages pouvant réparer automobiles et camions. A contrario, les ateliers de réparation de vélo ont dû fermer boutique.
Une semaine plus tard, cet édit a été renversé et les ateliers de réparation de vélo ont pu rouvrir leurs portes. Le décalage de ces décisions caquistes est néanmoins évocateur de cette vieille mentalité – le terme « culture » serait probablement plus approprié –, qui considère le vélo comme un simple loisir.
Il n’est pas question ici de ressortir la hache de guerre au cœur de la bataille entre cyclistes et automobilistes. D’ailleurs, la cohabitation de la route s’améliore graduellement, même si beaucoup de chemin reste à parcourir (pardonnez le jeu de mots). Reste que le vélo demeure, aux yeux de plusieurs, un moyen de transport de second ordre, et en dépit de l’adoption de certaines mesures, les conditions des cyclistes s’améliorent avec une main sur le frein.
L’administration actuelle de la ville de Montréal est pourtant favorable au vélo. Pour cause, les Montréalais.es parcourent, en moyenne, 49 km à vélo par semaine, passant un peu plus de 4h sur leur selle (la moyenne québécoise est de 3,3h). Pourtant, il n’est pas rare de trouver des supports à vélo installés en l’envers. La chose semble anodine, mais en plus d’empêcher de maximiser son utilisation, cette méprise témoigne d’une ignorance ou d’une négligence malheureuse. Que dirait-on si les lignes de stationnement pour voitures étaient peintes dans le mauvais sens?
Pire encore, les rues de Montréal sont ces jours-ci le théâtre d’un spectacle désolant. Nombre de carcasses de vélo gisent un peu partout, les rayons brisés, les cadres pliés et les roues tordues, quand elles ne sont tout simplement pas disparues. Les vélos sont pourtant bien en place, convenablement barrés sur les supports que la ville a maintenus en place pour l’hiver. Or, à quoi bon offrir des espaces de stationnement aux vélos si c’est pour que les employés de cette même ville les démolissent de leurs pelles?
Les recours contre la ville, en cas de dommages causés par les déneigeuses, sont à peu près nuls. Que ce soit une voiture ou un vélo, il faut procéder à une réclamation auprès de sa compagnie d’assurance. Autrement dit, la ville s’en lave les mains et le conducteur fautif de la déneigeuse, auteur d’un délit de fuite, jouit de l’impunité.
Que deviendront ces carcasses? D’autres employés de la ville viendront-ils nettoyer l’outrage en les emportant à l’écocentre, ou ces vélos seront-ils toujours attachés aux poteaux de leur malheur lorsque les restes du 1er juillet viendront s’empiler sur les trottoirs? En attendant, nos rues ressemblent à des cimetières de ferrailles, où de tristes éclopés de l’hiver gisent, soudain inutiles.
Le vélo est au cœur de nos existences. Plus rapide que la marche et, dans certains cas, que le transport en commun et la voiture. Il ne produit aucune pollution, sinon celle, nous rappellerait Maxime Bernier, que nous émettons en respirant. C’est un outil pratique. Un véhicule qui mérite soin et attention. Les beaux discours de nos administrateurs d’État ne suffiront pas si, sur le terrain, le vélo demeure un obstacle, une ferraille quelconque. Un objet non-essentiel.
Pour la suite, rendez-vous ici, demain.